Les Invasions Normandes

Les Invasions Normandes
Une armure - Domaine public

Le XIIème siècle marque un tournant majeur dans l’Histoire irlandaise. Une nouvelle lutte de pouvoir interne va entraîner l’invasion normande en Irlande, qui mènera l’Angleterre à s’installer durablement sur l’île, et ainsi à la placer sous le pouvoir de couronne britannique. Cette domination, va durer de nombreux siècles, et placer l’Irlande dans une situation des plus délicate, qui perdure encore aujourd’hui avec le conflit nord-irlandais…

Histoire des Invasions Normandes en Irlande

Un conflit éclate en Irlande : Henry II, roi d’Angleterre, y voit la possibilité de s’emparer de l’île

Le roi Diarmuid Mac Murrough

Le roi Diarmuid Mac Murrough

Tout commence avec une histoire d’adultère, Dervorgilla, femme du roi Tiernan O’Rourke de Breifne, tombant sous le charme d’un autre roi, Dermot MacMurrough (Diarmait MacMurchada) de Leinster. Comme cela n’étonnera personne, une guerre est déclarée, et force l’exil de MacMurrough, qui va plaider sa cause en Angleterre, au Pays de Galles et en France.

En 1166 il rencontre Henry II roi d’Angleterre… en France ! En effet, Henry est plus français qu’anglais. L’empire angevin comprend à cette époque l’Angleterre mais surtout la Normandie, l’Anjou, le Maine, le Poitou et l’Aquitaine. Il a aussi un droit de souveraineté sur la région de Toulouse, le Pays de Galles et l’Écosse.

Depuis plusieurs années Henry était intéressé par l’addition de l’Irlande à son royaume, mais sans que cela soit véritablement une priorité. Henry n’a donc rien à perdre à aider MacMurrough et accepte son offre de loyauté. Il lui rédige une lettre invitant ses sujets à lui prêter assistance. MacMurrough se rend alors au Pays de Galles, où il rencontre le légendaire chef normand Général Strongbow, Richard FitzGilbert de Clare.

Ce dernier était à la tête de troupes en difficulté face aux princes gallois de Gwynedd. D’abord réticent, il accepte d’aider MacMurrough quand celui-ci lui promet sa fille Aoife et la succession au trône de Leinster. Des chevaliers normands sont alors recrutés, dont les noms sont aujourd’hui typiquement irlandais : FitzHenry, Carew, FitzGerald, Barry, Prendergast, Fleming, Roche, Cheevers, Synott…

Invasions Normandes : Henry II s’empare peu à peu du territoire irlandais…

Statue du général Strongbow et de Aoife - Jay Galvin - cc

Statue du général Strongbow et de Aoife – Jay Galvin – cc

Impatient, MacMurrough rentre en Irlande avec une poignée de soldats en 1167, mais est rapidement défait par O’Rourke et O’Connor. C’est en mai 1169 que le gros des troupes, 600 hommes, débarquent et marchent sur Wexford, qui tombe le jour suivant.

En parallèle débarque près de Waterford la garde rapprochée de Strongbow, composée de dix chevaliers et soixante-dix archers, et dirigée par Raymond Carew, dit Le Gros, brillant guerrier de la famille FitzGerald. Ils sont immédiatement attaqués par des milliers de Vikings et d’Irlandais, mais l’emportent malgré une claire infériorité numérique.

Les deux contingents font alors la jonction et commencent le siège de Waterford. Ils sont repoussés à deux reprises mais Le Gros finit par faire céder les défenses, et Waterford tombe. Aoife rejoint alors la ville, et le mariage est célébré.

Le prochain objectif est Dublin, à l’époque un royaume viking semi-indépendant. Malgré une embuscade tendue par O’Rourke et O’Connor, les troupes normandes et MacMurrough atteignent la ville, et alors que des négociations sont en cours, Le Gros et Milo de Cogan font tomber les dernières forces et obligent Asgall, le roi viking de Dublin, à fuir. Il revient neuf mois plus tard, en avril 1171, pour tenter de reprendre la ville mais échoue et est capturé, alors que Strongbow était parti au chevet d’un MacMurrough mourant.

A son retour, il doit affronter une révolte conduite par Murtaugh, neveu de Dermot et héritier selon la tradition irlandaise. Murtaugh organise le siège de la ville avec Rory O’Connor et le soutien de nombreux chefs gaéliques, mais après deux mois, Strongbow, Le Gros et Milo de Cogan, chacun à la tête de 200 hommes, lancent une attaque qui décime les troupes ennemies et fait tomber le siège.

Les ambitions d’Henry II et des Normands diffèrent quelque peu…

En théorie, Strongbow et ses troupes normandes agissaient au nom de Henry II, mais ce dernier suspecte, à juste titre, que leur objectif est d’établir un royaume indépendant en Irlande. C’est pour cela que durant l’hiver 1171, il se décide à traverser lui-même la mer d’Irlande, avec 4000 hommes, ce qui ne manqua pas de faire réfléchir les Normands.

Sans qu’une seule goutte de sang ne soit versée, Strongbow rend hommage à Henry, ainsi que le feront tous les dignitaires de l’époque, Normands, Irlandais, Vikings, et évêques. L’Irlande est alors incluse dans l’empire angevin.

Le traité de Windsor est négocié en 1175 et établit que :

  • Henry II prend possession d’une partie du territoire déjà conquis par les Normands (connu sous le nom de « the Pale »),
  • le reste du territoire normand est réparti entre leur chefs,
  • Henry accepte Rory O’Connor en tant que haut-roi (Ard Ri) des zones non conquises, tandis que O’Connor reconnaît Henry comme souverain et doit lui collecter un tribu annuel sur l’Irlande entière.

Presque immédiatement, le traité s’effondre, pour deux raisons. Tout d’abord, O’Connor s’avère incapable de lever l’impôt sur ses terres, et encore moins sur l’ensemble de l’île, mais surtout, Henry ne peut contenir les Normands, qui veulent étendre leur territoire. Henry laisse finalement tomber le traité et accorde des terres sans même consulter O’Connor ou les autres rois gaéliques.

En 1189, à la mort de Henry II, Richard Cœur-de-Lion arrive au trône, ensuite suivi de John Ier, qui perd la guerre contre Philippe II (1206). En conséquence, l’empire angevin se retrouve amputé de l’Anjou, la Normandie et la Bretagne. La défaite aurait pu être encore plus sévère si les Normands d’Irlande ne s’étaient alliés avec lui.

A cette époque, les Normands, francophones, auraient pu se retourner contre l’aristocratie anglaise abandonnant le français pour l’anglais, et rejoindre les rivaux de Normandie et de France, dont ils sont les descendants, mais restent fidèles à John.

La conquête normande se poursuit alors, et l’intérieur des terres est profondément changé. En effet, si les villes côtières (Dublin, Wexford, Waterford, Cork, Limerick) ont été fondées par les Vikings, la plupart des villes et villages dans les terres sont d’origine normande. La province de Munster devient d’ailleurs rapidement le plus français des territoires hors du contrôle direct de la France…

Les Normands ont peu à peu remplacés la noblesse irlandaise ou s’y sont intégrés par mariage. Pour l’Irlandais moyen, cela ne changeait rien. Il gardait ses terres et ses bêtes, sa seule obligation étant d’adopter les nouvelles techniques agricoles récemment importées. L’autre transformation est architecturale, les Normands construisant Dublin Castle et de nombreuses églises (dont St Patrick’s à Dublin, St Mary’s à Limerick et St Canice’s à Kilkenny).

L’expansion maximale du territoire normand est atteinte au milieu du XIIIe siècle. A cette époque, l’Irlande est divisée en trois zones, géographiquement, ethniquement et culturellement. « The Pale », zone de 50 km de long et 30 km de large centrée sur Dublin, est la seule zone anglaise.

Les ordres et règles de la Couronne y sont suivis, l’anglais est un peu parlé, et la plupart des habitants se sentent plus colons qu’irlandais. L’Irlande gaélique est principalement restreinte à l’Ouest de l’Ulster et à la côte Sud-Ouest. Elle n’a jamais été conquise par les Normands, et a donc naturellement conservé l’organisation et les coutumes gaéliques.

Le reste de l’île, soit environ 70%, est découpé en fiefs contrôlés par les nobles irlando-normands, qui commencent à adopter la langue et la culture gaélique et à s’insérer dans la société. Ils restent fondamentalement loyaux à la couronne mais ne sont pas intéressés par un système féodal qui les écarterait du pouvoir à son profit.



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