Au début du XIXᵉ siècle, l’Irlande rurale a été le théâtre de nombreuses histoires mêlant amour, trahison et tragédie. Parmi celles-ci, il faut absolument cvonnaître l’histoire de « The Colleen Bawn », qui a marqué à jamais la société irlandaise. Souvent qualifiée d’histoire effrayante digne d’Halloweeen, se distingue par son impact durable sur la culture irlandaise et internationale. « Colleen Bawn », dérivé du gaélique « Cailín Bán » signifiant « jeune fille blanche », est le surnom donné à Ellen Hanley, une jeune femme dont le destin tragique a inspiré des pièces de théâtre, des opéras et des romans.
L’Irlande des années 1800 était une nation en proie à des tensions sociales et économiques. Les distinctions entre classes sociales étaient prononcées, et les mariages arrangés étaient courants, souvent utilisés comme moyen de renforcer des alliances ou d’améliorer le statut social. C’est dans ce contexte que l’histoire d’Ellen Hanley prend place.
Ellen Hanley est née en 1803 dans le comté de Limerick. Orpheline dès son plus jeune âge, elle a été élevée par son oncle, Maurice Scanlan. Décrite comme une jeune femme d’une beauté remarquable et d’un caractère doux, Ellen attirait l’attention de nombreux prétendants malgré sa condition modeste.
John Scanlan était un jeune homme issu d’une famille aisée et influente. Officier de l’armée britannique, il menait une vie insouciante marquée par le jeu et les excès. Lorsqu’il rencontra Ellen, il fut immédiatement charmé par sa beauté et sa jeunesse. Malgré les différences sociales, il la courtisa ardemment, promettant amour et dévouement.
En 1819, après une cour brève mais intense, John Scanlan persuada Ellen de l’épouser en secret. Le mariage fut célébré discrètement, sans le consentement ou la bénédiction des familles respectives. Cependant, peu de temps après, John commença à regretter cette union. Les raisons exactes restent floues, mais il est suggéré que les pressions sociales et la désapprobation de sa famille ont joué un rôle.
Déterminé à se débarrasser de sa jeune épouse, John Scanlan élabora un plan sordide avec la complicité de son serviteur, Stephen Sullivan. Ils convinrent d’assassiner Ellen pour effacer le mariage et permettre à John de retrouver sa liberté sociale. Le 14 juillet 1819, sous le prétexte d’une promenade en bateau sur la rivière Shannon, Ellen fut invitée à bord d’un petit canot.
Au cours de cette excursion, Ellen fut assassinée. Les récits varient quant aux détails : certains suggèrent qu’elle a été abattue, d’autres qu’elle a été noyée. Son corps fut lesté et jeté dans la rivière, dans l’espoir qu’il ne soit jamais retrouvé.
Environ six semaines plus tard, le corps d’Ellen Hanley fut découvert échoué près de Moneypoint, sur les rives du comté de Clare. La nouvelle de la découverte d’une jeune femme assassinée se répandit rapidement, suscitant l’indignation et la tristesse dans toute la région. Grâce à des signes distinctifs et aux vêtements qu’elle portait, elle fut rapidement identifiée comme étant Ellen.
L’attention se tourna rapidement vers John Scanlan et Stephen Sullivan. Sullivan fut arrêté le premier. Sous la pression, il avoua le crime et impliqua John comme instigateur principal. Le procès de Sullivan eut lieu à Limerick, où il fut reconnu coupable et condamné à mort. Il fut exécuté en public, une pratique courante à l’époque, servant d’avertissement aux autres.
John Scanlan, quant à lui, réussit initialement à échapper à la capture. Cependant, il fut finalement appréhendé et jugé. Malgré ses tentatives pour nier toute implication, les preuves et le témoignage de Sullivan scellèrent son destin. Il fut également reconnu coupable et exécuté en 1820.
L’histoire tragique d’Ellen Hanley a profondément marqué la société irlandaise. Elle a mit en lumière les injustices sociales, les abus de pouvoir et la vulnérabilité des femmes, en particulier celles de condition modeste. La brutalité du crime et l’innocence de la victime ont suscité une vague de sympathie et d’indignation.
Depuis, cette histoire est souvent évoquée durant la Samain (Halloween), pour effrayer autant que pour se rappeler de ce triste épisode de la culture irlandaise.
En 1860, le dramaturge irlandais Dion Boucicault a écrit une pièce intitulée « The Colleen Bawn; or, The Brides of Garryowen ». La pièce, mêlant mélodrame et comédie, a connu un immense succès en Irlande, en Angleterre et aux États-Unis.
Boucicault a prit certaines libertés avec l’histoire originale, et ajouté des personnages et des intrigues secondaires pour renforcer l’attrait dramatique.
L’histoire inspira également le monde de l’opéra. « The Lily of Killarney » en 1862, composé par Julius Benedict avec un livret basé sur la pièce de Boucicault. L’opéra a fusionné la musique et le drame pour raconter l’histoire tragique d’Eileen O’Connor, le personnage basé sur Ellen Hanley.
De nombreux écrivains ont abordé l’histoire de The Colleen Bawn. L’histoire a servi de trame pour évoquer les problèmes sociaux de l’époque, notamment la disparité entre les classes et les droits des femmes en Irlande.
Au fil des ans, l’histoire de The Colleen Bawn a été revisitée à travers divers médias, y compris le cinéma et la télévision. Chaque adaptation apporte une perspective différente, reflétant les préoccupations sociales et culturelles de son époque.
En 1911, l’une des premières adaptations cinématographiques muettes de la pièce de Boucicault fut réalisée par Sidney Olcott. Plus tard, d’autres films et séries télévisées ont revisité l’histoire, cherchant à capturer l’essence de la tragédie tout en la rendant pertinente pour les nouvelles générations.
L’histoire de The Colleen Bawn est plus qu’un simple récit de crime passionnel. Elle symbolise les tensions entre classes sociales, les dangers de l’abus de pouvoir et les tragédies résultant des normes sociétales rigides. Ellen Hanley représente l’innocence sacrifiée sur l’autel des ambitions personnelles et des pressions sociales.
La relation entre Ellen et John met en évidence les dynamiques de pouvoir de l’époque. John, en tant qu’homme de classe supérieure, se sentait probablement en droit de manipuler et de disposer de la vie d’Ellen selon ses désirs. Le fait qu’il ait initialement échappé à la justice souligne également les inégalités du système judiciaire de l’époque.
L’histoire met en lumière la vulnérabilité des femmes au XIXᵉ siècle. Sans protection légale ou sociale, Ellen est devenue une victime facile des machinations de ceux qui détenaient le pouvoir. Son histoire a contribué à sensibiliser le public aux injustices subies par les femmes et a, dans une certaine mesure, alimenté les mouvements ultérieurs en faveur des droits des femmes.